J’ai 1000 caractères pour dire quelque chose. Si une image vaut 1000 mots, alors une idée doit bien valoir 1000 caractères. Mais ai-je suffisamment de caractères pour avoir des idées? Ai-je même assez d’idées pour qu’on souligne mon caractère? J’ai 1000 caractères pour dire quelque chose. Saurais-je être l’intellectuel synthétique que la société des réseaux sociaux s’attend que je sois? Me laisserais-je prendre de profil sur Facebook? Fera-t-on de moi le tweet de service? J’ai 1000 caractères pour dire quelque chose. La pensée critique peut-elle s’accommoder d’un tel manque de caractères? J’ai 1000 caractères pour dire quelque chose. C’est trop peu et en même temps beaucoup trop. J’ai 1000 caractères pour dire quelque chose. Zut, je viens d’en échapper une poignée de plus. J’ai 1000 caractères pour dire quelque chose. Je les ai sur le bout de la langue. J’ai 1000 caractères pour dire quelque chose. Je n’en ai plus un seul. Dites, vous n’en auriez pas de trop? J’aurais quelque chose à dire. Julien Goyette

samedi 15 septembre 2012

Derrière chez moi, y avait un petit bois…

Derrière la maison de la Garenne, il y avait une forêt de pins odorants, tapissée d’aiguilles et de bruyère qui crissaient sous mes pas d’enfant. En levant bien les jambes, je suivais à grand peine le sentier sinueux qui montait à la souche de l’arbre coupé. Là, à la limite du monde connu, je m’accroupissais pour observer la vie grouillante dans l’énorme cratère de bois pourri. En procession, les fourmis noires peinaient sous leurs fardeaux de graines ou d’insectes, croisant parfois la trajectoire des fourmis rouges, dont l’affairement m’apparaissait encore plus étrange. Toujours, je prenais soin de n’écraser personne ni n’entraver leur passage, pour ne pas perturber ce travail titanesque. Et sous le soleil d’après-midi qui faisait chanter les cigales, je humais l’odeur de la terre et des arbres, loin de la pénombre fraîche de la maison. Je suis retournée l’été dernier à la Garenne. L’odeur enivrante des pins m’a donné envie de m’éclipser à nouveau dans le petit bois, mais je n’ai d’abord pas retrouvé la souche… En trois pas de mes bottes de sept lieues, j’avais enjambé l’immensité qui faisait jadis battre la chamade à mon petit cœur, et de mes pieds énormes j’avais écrasé sans vergogne le bois vermoulu de mes émerveillements d’antan. Photo originale: Catherine Broué, Nantes, juin 2012. Catherine Broué

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